Application de la loi faunique au Gabon : abaissement du niveau des peines

par Luc Mathot
Application de la loi faunique au Gabon : abaissement du niveau des peines

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La loi n°016/01 d 31 décembre 2001 portant Code forestier en République gabonaise interdit la chasse, la détention, le transport et la commercialisation de dépouilles, trophées ou produits d’espèces intégralement protégées dont fait partie l’éléphant et les réprime de 3 à 6 mois d’emprisonnement et de 10 000 000 FCFA d’amende maximum en son article 275.Cependant, ces derniers temps, on constate un abaissement du niveau de condamnation en matière faunique. A titre d’exemple, le 19 mars 2015 à Libreville deux trafiquants d’ivoire, M. Ndzeng Boure Nang Yvon Thierry et Casimir ONUOHA ont été condamné à une peine de seulement un mois d’emprisonnement et une amende de 500 000 FCFA chacun. Auparavant, le 02 mars, les sieurs Yattassaye Ali et Koita Alassane avaient écopé de seulement 3 mois d’emprisonnement tandis que leur compère Ndong Chancel Cédricétait purement et simplement relaxé.

Comment expliquer ces faibles condamnations dans un contexte où la loi est déjà elle-même considérée comme faible et peu dissuasive au regard des pays voisins ? Car, malgré les multiples arrestations, les lois répressives n’ont pas encore été durcies et le niveau de condamnation s’abaisse drastiquement.Lors des procès, la commercialisation n’est généralement pas retenue malgré la mise en vente de l’ivoire qui est tout aussi répréhensible et malgré les aveux des prévenus. Les parquets requièrent en général six mois d’emprisonnement mais le juge décide en son intime conviction. On ne peut donc que conjecturer sur les raisons de ces peines faibles infligées sur la base d’une législation déjàjugée comme faible.

Le Journal en ligne Le Monde, dans un article intitulé « La guerre contre le braconnage au Gabon » publié le 13 Mars, fait l’éloge des actions menées sur le terrain dans les parcs nationaux contre les braconniers et à juste titre. Cependant la guerre ne s’arrête pas là, un des moyens les plus efficaces de lutter contre ces criminels serait de durcir les peines relatives aux crimes fauniques à l’exemple de nos voisins au Congo (5 ans de prison), du Bénin (10 ans) et du Kenya où un trafiquant d’ivoire risque la prison à vie ! De quoi réfléchir avant de se lancer, ou comme dans le cas de Monsieur Yvon, de récidiver dans ces activités illicites.

L’ONUDC (Office des Nations-Unies contre la Drogue et le Crime) exprimait déjà des inquiétudes quand il y a deux mois, l’organisme international avait remis un rapport alarmant sur la criminalité faunique au Gabon, démontrant « des failles au niveau du corpus législatif national, lequel ne serait pas adapté aux conventions internationales conçues pour la lutte contre la criminalité faunique et forestière », comme le rapportait le journal L’Union.

Un mois de prison pour trafic d’ivoire. On est là bien loin de la volonté affichée par le Chef de l’Etat de lutter contre ce phénomène lorsqu’il brulait le stock national d’ivoire en 2011. Une conférence internationale suir le trafic de faune et regroupant plusieurs Chefs d’Etat se tient ce 25 mars au Botswana et fait suite à la Conférence de Londres où des engagements forts avaient déjà été pris, notamment par le Chef de l’Etat. Espérons qu’ils se concrétiseront.

Le Ministère de la Justice déjà démontre une volonté nette de lutter contre la criminalité faunique à travers les parquets qui requièrent six mois d’emprisonnement selon le cas. Ceci devrait être la norme dans tous les parquets de la République.

Pour renforcer cette volonté, ce ministère pourrait donner comme mesure de politique criminelle aux parquets d’interjeter systématiquement un appel en cas de décision de défavorable, c’est-à-dire en deçà de six mois d’emprisonnement.Les juges du siège quant à eux pourrait mieux appréhender le phénomène criminel faunique qui s’accompagne de plusieurs corollaires : trafic des armes, blanchiment des fonds, pillage des ressources, insécurité, attraction des groupes terroristes, etc.

 

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